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en toute hâte. Son coupé l’attendait, à quelques minutes de là, au village de Fontenay.

Par une amère ironie de sa destinée, une heure après, il rencontra sur la route, dans la pleine lumière du soleil levant, deux personnages de sa connaissance, des enfants de ses fermiers, qu’il avait mariés la semaine passée : François Corbin et Guillette Mauger. Guillette avait sur l’épaule la grosse canne de cuivre où chaque fille du pays porte son lait ; François, en guise de collier sur sa blouse neuve, le talbot de sa vache et les enferges de sa Grise. A leur salut, le comte fit arrêter :

« Eh bien, mes enfants, leur dit-il, vous voilà bien heureux, n’est-ce pas ! Il ne vous manque rien ? »

François affirma naïvement que ses vœux étaient comblés.

« Et toi, Guillette ? dit Henri.

— Dame, répondit la petite Normande à la mine éveillée… il y aurait bien le pré de la Gervaise attenant à la maison… mais, faute de cinq cents francs.

— Voici le pré de la Gervaise, dit le comte en lui glissant un billet dans la main. Adieu, mes enfants. »

Il arriva à Valognes quelques minutes avant l’arrêt du train. Le chef de gare, qui le connaissait,