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voix le seul nom qui lui reste au cœur ! aurais-je eu la force d’assister froidement à cette longue agonie ? non, ce viol me révolte. Il faut une victime, je disparaîtrai. »

De toute la soirée, le comte ne laissa rien voir de son agitation, il resta impassible. Marie put croire même que son empressement de folle près de Georges, blessé, n’avait pas été aperçu. Avant de rentrer chez lui, le comte de Morsalines vint s’informer de la santé de l’artiste, qui sommeillait, et, quand il prit congé de Marie, il lui souhaita le bonsoir affectueusement, mais simplement, comme s’il devait la revoir le lendemain ; pourtant elle remarqua quelque chose de singulier dans son regard, un peu fixe ce soir-là, mais affable toujours.

Le comte de Morsalines ne se coucha pas de la nuit, et voulut partir sans phrases, sans récriminations banales, sans faux attendrissements sur lui-même. Il écrivit trois lettres, dont deux très courtes, à Georges et à Marie ; la troisième à son notaire, sous le couvert de Mlle Marthe. Voici les deux premières :


« MARIE,

« J’ai compris le secret de votre héroïque mensonge, mais je n’accepte pas le sacrifice. Vous êtes libre. Je me suis toujours fait une