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vint s’abattre au bas de la côte, sur la borne kilométrique. Georges et Henri furent jetés à terre violemment, Georges sur le gros tas de pierre des cantonniers, Henri au revers du fossé. Marie Alvarès, à part quelques éclats de vitre, n’eut aucun mal. Elle s’échappa comme un éclair de la voiture renversée, et quand elle aperçut Georges étendu sans mouvement, pâle et la tête en sang, elle ne fut plus maîtresse d’elle-même, et courut à lui d’abord : la rivière étant là tout près, elle y descendit en hâte pour mouiller une grande plaie ouverte à la tempe ; son mouchoir, son foulard de cou, ses manches de batiste y passèrent, et pour assujettir le bandeau improvisé, elle noua convulsivement sur le tout la coiffure en grosse cotonnade bleue de la petite bergère aux moutons, qui se trouvait là. Georges revint à lui :

« Merci, Marie, ce n’est rien, » dit-il à voix basse.

Pour le comte, brusquement étourdi de sa chute, quand il rouvrit les yeux, il eût préféré ne jamais les rouvrir. Il avait tout vu dans l’empressement affolé de Marie près de Georges, et désormais il n’était que trop éclairé. Sous le coup rapide de cette commotion morale qui le frappait si rudement en plein cœur, il retomba dans un long évanouissement réel, et, quand il reprit conscience de la vie, Georges, Marie et la