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chercha à savoir où il se trouvait. Etait-ce bien sur notre globe ou dans le royaume des fées ? Il ouvrit ses fenêtres, l’air vif le dégrisa : la mer moutonnait en bas à trois quarts de lieue, et sur les pentes boisées la grasse Normandie étalait franchement ses verdures aux caresses de l’aurore. L’instinct du paysagiste se réveilla, Georges partit pour l’avenue des Hêtres, se mit résolument à l’œuvre dans la rosée, et à onze heures son esquisse était finie, avec une large traînée de soleil sous les branches et une fine buée d’opale à la ligne d’horizon.

« Tiens, dit-il à Henri, qui vint à sa rencontre, voilà ton Avenue pour décorer ta salle à manger, je n’en suis pas mécontent. Elle fera très bon effet dans un petit cadre à biseau sablé. »

Marie était descendue ; elle admira l’esquisse, et on déjeuna d’assez joyeuse humeur, l’acclimatation morale et intellectuelle étant déjà parfaite entre les trois convives. A table on parla de ce qu’il y aurait à voir aux environs dans l’après-midi. On cita la tour de la Hougue, célèbre par l’éclatant désastre de Tourville ; le phare de Barfleur, qui ne ressemble en rien à son illustre frère de Cordouan, le somptueux édifice de Louis XIV, mais qui, tout moderne, dresse d’un jet dans le ciel sa tige de granit monochrome, comme un jonc démesuré d’un