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dans le creux de sa petite main longue, fluette, moite et rose, et pour elles Marie Alvarès eut un éclair involontaire dans les yeux.

Après le dîner, toute la soirée fut charmante : elle se passa en musique. Marie Alvarès, d’une voix émue, pénétrante, fraîche de timbre comme celle d’un enfant, chanta les plus belles pages de Don Juan et de la Flûte enchantée. La voix du paysagiste, un peu rude d’accent, mais d’une riche sonorité, fort juste et bien rythmée, ne fut pas trop indigne de Pamina dans le fameux duo d’amour en andante qu’on bisse toujours au théâtre. Il fut également bissé par le comte, formant à lui seul tout l’auditoire, et lui-même fit preuve de la meilleure grâce en exécutant avec la sûreté de main d’un maître la Marche turque, vraie musique de fête, de joie et de lumière, qui pour le nouvel hôte s’épanouissait en fleurs de bienvenue.

On se quitta un peu tard. Marie Alvarès fit une profonde révérence au paysagiste, mais sans lui offrir la main, et le comte reconduisit Georges à son oreiller en lui disant :

« Comme tu es ici chez toi, tu commanderas. Demain, à ton gré, tu dormiras ta grasse matinée ou tu continueras ton esquisse dans l’Avenue des Hêtres ; moi je reprendrai mon fusil et les furets pour achever, si faire se peut, l’extinction de mes rongeurs. A onze heures