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jamais à rien. Votre fierté mal placée vous fera toujours craindre une humiliation.

Ici Germaine changea de voix :

— Et si, au lieu d’être riche, elle était pauvre, que diriez-vous ?

— Explique-toi, Germaine.

— Je m’entends fort bien : si elle se marie au gré de son beau-père (M. Grandperrin songe peut-être pour elle à son neveu, ce qui n’aurait rien d’étonnant)…

Albert devint très pâle.

— Dame, dans ce cas-là, continua Germaine, la dot sera belle, moitié de l’immense fortune à chacun. Mais dans le cas contraire, si M. Grandperrin n’approuve pas le choix de Mlle d’Évran, elle est d’âge à suivre sa volonté, à faire les trois sommations respectueuses, pour ne pas dire irrévérencieuses. Et alors, si elle se trouve simplement réduite aux apports de sa mère, elle n’aura pas grand’chose, presque rien pour ainsi dire… ce qu’elle apportera à son adorateur, ce n’est vraiment pas la peine d’en parler.

A mesure que Germaine s’expliquait, la belle et franche physionomie du comte Albert s’éclairait… Tout son cœur était comme envahi par un souverain philtre d’espérance ; il se sentait revivre et se trouvait de force à remuer le monde… Il entrait dans un nouvel ordre de