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tout un monde de pensées dans l’aurore de la femme.

— Comme tu en parles, quel afflux d’éloquence ! dit Henri avec le plus bienveillant des sourires.

— Je raconte simplement, reprit Georges. Je fus comme un fou durant toute la saison chaude. Aux premières fraîcheurs de septembre, le cerveau se calma. Ce fut alors que je me réfugiai dans l’art comme un désespéré, et qu’un matin d’octobre (je m’en souviens, si tu l’as oublié) je vins à toi en te disant : « Henri, comme coloriste, j’ai quelque chose en moi. Je voudrais voir l’Orient. Qu’en penses-tu ? Peut-être dix mille francs suffiraient… » Et pour toute réponse tu m’en donnas trente, avec le geste affable et le sourire princier de Laurent le Magnifique.

— Le Dieu des Beaux-Arts m’en a su gré. Tes succès me récompensent ; mais, pour en revenir une fois encore à cette jeune fille, tu ne l’as jamais revue ?

— Jamais.

— Et si, tôt ou tard, tu la rencontrais ?

— Ah ! je donnerais tous mes rêves de gloire et mes plus saintes joies d’artiste pour une heure d’amour en toute franchise de cœur… Mais descendons de ces nuages platoniques et parlons un peu de toi, cher ami. On prend des