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quelques acharnés qui me disaient franc-tireur. Je ne savais pas un mot d’allemand… je fus sauvé par un lambeau de mon uniforme, déjà tout en pièces, mais où restaient encore, fort heureusement, quelques boutons aux ancres marines. Mais quelles rudes étapes, mon ami ! tantôt à pied dans la neige, tantôt à ciel ouvert dans les wagons à bétail. En Allemagne, les prisons, les forteresses étaient encombrées. Nous fûmes traînés de Magdebourg à Stettin et de Stettin à Dantzick.

— Mais qui t’empêchait d’écrire ?

— C’est qu’à peine la frontière passée, malgré tout mon sang-froid, que tu connais bien, je ne pus me défendre d’un premier mouvement… Pour nous faire marcher plus vite, un officier prussien m’avait touché d’un revers de sabre… et je l’avais frappé.

— Eh bien ?

— Eh bien ! au lieu d’être passé par les armes, je fus condamné à dix ans de forteresse… et au secret le plus absolu… Ce qui t’explique mon silence.

— Mais alors, comment as-tu fait pour t’échapper ?

— Par la providence du hasard… Le gardien de la citadelle était un ancien troupier que je croyais ne pas connaître ; mais lui m’avait reconnu et n’était pas un ingrat.