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n’était pas facile à réaliser après les désastres financiers qui avaient si rudement frappé le pauvre homme. Le malade avait des hauts et des bas, comme on dit : tantôt des jours de profonde accalmie, tantôt des jours sombres où les pensées noires tournaient et retournaient dans sa grosse tête troublée, comme de mauvaises graines aux cribles de ses moulins.

Un matin d’orage, après une nuit d’insomnie, Desmarennes, sous prétexte de grande fatigue et de manque absolu d’appétit, ne descendit pas déjeuner.

Il resta dans sa chambre de travail, où il avait à répondre, disait-il, à de nombreuses lettres d’affaires en retard depuis longtemps.

Très inquiète, Thérèse veillait.

Desmarennes, se croyant bien seul, écrivait… sans doute ses dernières volontés.

Thérèse entra sans bruit et se tint toute droite derrière le fauteuil de son père qui d’abord ne l’avait pas aperçue.

Mais en levant la tête, comme par hasard, en réfléchissant à une phrase qui n’était pas claire, il vit dans une glace latérale l’image de sa fille, immobile et blanche comme une statue.

— Toi, ma fille ! dit-il d’une voix altérée où passaient des larmes… T’avais-je appelée ?

— Non, mais je suis venue de moi-même,