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Et Thérèse et Mistral, lancés tous deux à corps perdu dans ces grands espaces libres, s’enivraient de la fraîcheur des brises, dans leur course vertigineuse, aérienne et rapide comme un vol.

Un de ces jours-là, Thérèse commit une grave imprudence à son retour. Au lieu de suivre, à gauche, dans les sables, le chemin tout tracé par la roue des voitures, elle descendit à droite jusqu’au Puits-de-Lauture, où le flot de marée s’engouffre avec des bruits de tonnerre.

De nombreux spectateurs, déjà groupés sur la falaise, regardaient, comme à un décor de théâtre, jaillir par le trou béant les formidables flocons d’écume.

Elle aussi voulut voir de près, mais sans descendre de cheval, le curieux phénomène, et poussa Mistral en avant. Mal lui en prit : Mistral regimba, d’abord effrayé du bruit ; puis, hennissant et flairant la mer, il s’arrêta court, humilié d’abord d’engager son fin sabot d’arabe sur des roches de granit, coupantes comme des lames de rasoir, et qui eussent effarouché des pieds de mule. L’écuyère s’entêta, la bête s’obstina. Un coup de cravache bien cinglé répondit à son hésitation. Et Mistral, bondissant sous l’outrage, se leva tout droit et, baissant l’oreille, partit comme une flèche vers l’abîme où ils allaient