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sur les arbres, eût envahi par degrés une bonne partie des pensées quotidiennes. De sorte qu’au bout de quelques mois on finit par ne plus en parler, bien que sa mémoire restât profondément gardée dans le silence des cœurs.

Quelques jours avant la funèbre nouvelle, Thérèse avait fait une grave confidence à Mme Desmarennes : elle avait senti vaguement quelque chose d’inconnu tressaillir en elle. Prise du fol espoir d’être mère, de voir revivre dans un fier garçon bien à elle l’image du cher absent tant pleuré, elle s’était quelque temps rattachée à ce dernier lambeau d’espérance ; mais, trop vite déçue dans son rêve, la jeune et sombre veuve était retombée, de tout le poids de son cœur, dans sa résignation muette, vouée simplement désormais au culte religieux des stériles souvenirs.

La seconde année de son deuil, vers la fin du printemps, Mme Desmarennes avait dit à sa fille :

— Thérèse, je vois bien que notre santé s’altère… Rester ainsi, toujours au même endroit, ce n’est pas vivre, mais végéter. Il serait bon de changer d’air. La saison sera belle et chaude. Que dirais-tu de Royan-les-Bains ? Si nous allions y passer deux mois ? Pour ma part, j’y retournerai volontiers si le voyage t’agrée. Qu’en penses-tu, ma fille ?