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Georges lui répondit par un long baiser.

Elle essaya de sourire, mais en vain, et jusqu’au soir resta toute sérieuse, obsédée par une pensée fixe, comme par une sombre hallucination…

Bien que Georges l’eût traitée de superstitieuse, ses craintes n’étaient pas vaines et ne tardèrent pas à se réaliser.

Le mois d’après, nous étions en juillet : de mauvais bruits, inconsistants d’abord, commençaient à se confirmer. Dans l’air passaient déjà de vagues rumeurs de guerre et comme des bouffées d’orages lointains… Les événements marchent vite, ainsi que les morts de l’ancienne ballade d’outre-Rhin.

Pour la première fois depuis le commencement du siècle, avant de s’en être aperçue, la France avait l’ennemi aux frontières et se trouvait brusquement envahie.

Se reposant un peu trop peut-être sur de glorieux souvenirs et ses grandes conquêtes d’autrefois, elle se croyait forte et plus qu’en mesure de résister, tandis que rien n’était prêt pour la défendre.

Nous étions en juillet de l’année terrible.

Aujourd’hui que les plus braves des deux armées reposent, pour la plupart, dans la grande égalité de la mort, gardons-nous de récriminations rétrospectives et de larmes déclamatoires.