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Maître Guérineau, quelque peu émerillonné par cette atmosphère spiritueuse, avouait en toute sincérité, les narines gonflées, que cet assortiment de futailles vénérables lui semblait moins funèbre que la double rangée historique des caveaux de Saint-Denis. Il cheminait avec lenteur et solennité dans un aimable recueillement, et quand les deux amis passèrent, des chais où vieillissaient les eaux-de-vie, dans ceux où fermentaient les vins de la dernière récolte, dans leurs barriques à bondes levées, le bruit ou plutôt le grouillement simultané de leur écume en bouillons sur trois ou quatre cents fûts en bon ordre qui chantaient à la fois, ce bruit, à première entente, pouvait se confondre avec le frémissement continu des hauts peupliers qui frôlaient au dehors la toiture de ces interminables galeries. Les deux bruits semblaient être un écho l’un de l’autre.

Jusqu’à six heures du soir, Georges Paulet, en victime résignée, eut le courage de suivre et d’écouter Me Guérineau, qui se grisait à la fois de sa parole éloquente et de l’esprit des vins.

Quand ils sortirent des chais comme d’une crypte crépusculaire, en remontant au grand jour, le marin ne put retenir un cri de délivrance et de joie.

Un bruit de roues se rapprochait, les maîtres