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que le proverbe a raison. Assis au bord de l’eau vous croyez pouvoir tranquillement faire tourner la grande roue de votre moulin. Erreur. Le meunier d’amont vous guette, et le meunier d’aval vous épie : tous deux trouvent que vous abusez de la rivière. Établi sur le même affluent de la Charente, avec tout un système de barrages, de vannes et d’écluses, le meunier d’amont, qui a besoin d’eau, en tire le plus qu’il peut par anticipation, tandis que le meunier d’aval trouve à redire à l’irrigation de vos prés.

« De là, procès à n’en plus finir ; je ne m’en plains pas, nous en vivons ; mais où Desmarennes devient superbe, c’est quand, après avoir constitué avoué et m’avoir pris pour avocat, il m’interdit la parole pour plaider lui-même. Chaque fois, je me lève simplement pour dire : « Plaise au tribunal entendre les explications de mon client. »

Jusqu’à présent il a gagné toutes mes causes ; ce qui fait singulièrement allonger la mine à mes confrères de la partie adverse, qui en sont généralement pour leurs frais d’éloquence. S’il n’était meunier, Guillaume Desmarennes eût fait un excellent avocat.

— Meunier, bouilleur de cru, grand propriétaire terrien… Quel cumul ! ajouta Paulet en souriant.