Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

parlé d’abord ; elle n’a qu’un couplet, un couplet de cinq notes, mais modulées avec tant de fraîcheur et de suavité qu’on se demande : « Est-ce une ritournelle de flûte magique ou un clair gazouillis de source lointaine ? » Le sucre des cerises contribue sans doute un peu à cette éternelle fraîcheur du gosier et le ferment de ces fruits entretient sa joyeuse humeur. La phrase musicale du loriot a sa valeur intrinsèque absolue, entendue séparément ; mais dans les grands concerts du printemps, sous les bois, écoutez-la : sur la basse profonde des ramiers, le verbe guttural des grives, les deux notes du coucou (qui vont jusqu’à trois quand il est ému), les appels de la huppe, à brèves intermittences isochrones, répétant neuf ou dix fois la première syllabe de son nom, sur toutes ces voix la ritournelle du loriot se détache en or pur. Peu d’oiseaux des tropiques ou de l’équateur, sans omettre les paille-en-queue et les paradisiers, peuvent se comparer à notre loriot d’Europe. L’heureux pèlerin, laissant passer les bourrasques de mars et d’avril, nous arrive dans les fleurs de mai, et s’en va bien avant la fin des beaux jours, après la cueillette des fruits, par les ciels lumineux d’octobre, vers l’été de la Saint-Martin. Bon voyage à l’ami de nos cerisiers, et qu’il revienne tous les ans se cantonner dans nos bois !