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d’atrabile, succombent à des accès de folie noire, tandis que les préposés aux pompes funèbres meurent souvent de pléthore alcoolique, exhilarés, épanouis ; leur dernier soupir est un éclat de rire.


Entre les aveugles-nés et les aveugles par accident la différence est grande ; aux derniers seuls la douleur. Ils ont joui de la lumière, ils savent ce qu’ils ont perdu, tandis que les premiers marchent au milieu d’un paradis terrestre qu’ils ne connaissent que par ouï-dire ; ils ne peuvent soupçonner les splendides paysages que chaque aurore éclaire pour les voyants.


Les êtres qui n’ont jamais aimé ressemblent aux premiers aveugles.


Les coloristes naissent au pays du soleil ou de la brume : Vénitiens ou Flamands ; Titien et Véronèse, Rubens et Van Dyck. La lumière des uns est-elle plus riche, plus grasse, plus ruisselante, plus égale, plus légère, plus subtile, plus aérienne ? chacune a son caractère et