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entrait par les fenêtres ouvertes, avec le beuglement des vaches dans l’étable. Et dehors, le village en liesse criait, battait l’air de vivats.

On sortit. Les Champigny les accompagnaient.

Le meunier Izard était malheureusement sur le pas de sa porte. Il fallut entrer chez lui comme on était entré chez les Champigny. Il était seul à la maison, mais ce n’était pas une raison ; il allait envoyer le domestique prévenir ses filles, qui étaient chez les Ronflette.

Izard était veuf. Tout en parlant, il leur ouvrait les portes de son salon, tendu d’un papier de velours gaufré d’or. Une glace à moulures dorées était posée sur la cheminée. Des fauteuils en velours recouverts de housses blanches entouraient une table à pied tourné, recouverte d’une plaque de marbre. Un tapis étendait sur le parquet sa laine moëlleuse à rosaces rouges.

Le meunier les laissa seuls un instant, contemplant cette opulence, et l’instant d’après reparut, trois bouteilles de vin dans les bras.

Les femmes se récrièrent ; elles avaient pris du café, des liqueurs ; le vin leur tournerait l’estomac, pour sûr.

— Bon ! Un petit verre de trop, ça ne fait rien en temps de kermesse, répondait Izard. Et puis, vous allez avoir de la compagnie. J’ai fait appeler mes neveux.

Il clignait de l’œil du côté des jeunes filles.

Trois bouteilles se vidèrent. Des assiettes garnies de bonbons passaient de main en main, constamment. On entendait le bruit sec des dents croquant les pâtes sèches. Champigny dégustait le vin, en faisant claquer sa langue contre son palais. Le meunier le regardait alors d’un air goguenard, secouant la tête et disant : Hein ? hein ? avec satisfaction.

Un bruit de pieds remplit le corridor et presqu’aussitôt la porte s’ouvrit. C’étaient les filles du meunier qui ren-