Romiron le boulanger habitait une des premières maisons de la ville. Il vit s’arrêter à sa porte la brouette chargée de ramées et descendit. Romiron était un des relais de Cachaprès quand il apportait son gibier à la ville. Il y avait un hangar dans sa cour. On y débattait les conditions de la fraude et, la nuit, les marchands venaient s’y approvisionner. La surveillance des gens de police passait ainsi par dessus la tête des coupables, les agents ne s’avisant pas qu’un boulanger se mêlât de cacher du gibier.
Romiron connaissait la bûcheronne. Ce n’était pas la première fois que Cachaprès la chargeait de ses commissions. Il lui fit un signe et alla ouvrir une porte charretière par laquelle on pénétrait dans sa cour. Pas un mot n’avait été dit.
La vieille, alors, donna une dernière poussée à la brouette. Du bois mort encombrait le hangar. Elle remisa sa charge derrière un tas. Puis, débarrassée enfin, elle s’assit sur un des bras du véhicule, hoquetante. Sa peau couleur de cuir s’était tatouée de plaques livides, à côté d’autres d’un rouge vif. Un tremblement secouait ses mains. Elle s’abattit avec l’éreintement lourd des bœufs. Sa chemise trempée collait à ses os, et dessous battait sa gorge plate, avec des halètements saccadés. P’tite, elle, s’était couchée de son long sur l’aire froide. Cette fraîcheur calmant la brûlure de ses mains et de ses pieds, elle demeura là, son ventre touchant la terre, la joue contre ses mains, à dormir son somme interrompu de la nuit.
Cachaprès arriva avec un marchand. Ils enlevèrent les ramées.
— Pèse ça, dit Cachaprès au marchand en lui passant le chevrotin.
Puis enlevant la seconde couche de branches et tirant à lui le brocard, il reprit :