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pidation continue secouait l’animal. Ses soles battaient les feuilles par saccades violentes, et un spasme déchaussait sa mâchoire, d’où coulait du sang à flots. Cachaprès posa la main sur son couteau, l’enfonça d’un coup jusqu’au manche, puis le retira. Le chevrotin eut alors un redressement effroyable. Il se leva sur ses genoux, détendit ses mandibules comme pour clamer, et tout à coup retomba, la tête ballante, ses larmiers largement ruisselants.

La lune mettait sa clarté pâle sur cette agonie. Lui, demeurait là, les bras croisés, regardant se tordre et gigotter sa proie. Il admirait son coup, satisfait d’avoir frappé au bon endroit. Et muet, insensible à la mort qui tardait, il attendait le moment d’emporter la bête.

Une secousse suprême mit fin à cette torture. Il souleva l’animal par les pieds, pour juger du poids. C’était un chevrotin d’un an. Les broches lisses et solides commençaient à sortir du merrain. Le petit était de bonne prise.

Il boucha de terre le trou fait par son couteau, pour arrêter le saignement. Puis, d’une secousse enlevant le corps, il le fit retomber sur ses épaules. Ainsi chargé, la tête de la bête battant ses reins, il gagna à travers la forêt une coupe de bois récemment abandonnée, où se massaient des bûchers. Là, il creusa de sa main et de son couteau un large trou, y coula le chevreuil et par-dessus étendit une couche de feuilles sèches. Il avait son plan.

La lune éclairait perpendiculairement la forêt. Sa large illumination blanche s’élargissait entre les arbres, traînait en nappe argentée sur les terrains, faisait luire l’écorce polie des bouleaux dans la pâleur des lointains. C’était la lumière de minuit. Elle s’épanchait énorme et sereine sur le lourd sommeil des bois.