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larges. Nul doute, une chevrette avait passé là de compagnie avec son brocard. Il retira son fusil de dessous ses habits, ouvrit la gaîne et en retira du laiton. Puis immobile, dressé de toute sa taille dans le silence de la forêt, il écouta s’il n’entendait pas les approches des gardes. La nuit était muette. Des froissements de branches, une rumeur vague s’échappaient seuls des fourrés, et par-ci par-là un cri de bête rauque et doux.

L’homme mit son fusil sur une épaule, passa la gaîne de l’arme en bandoulière autour de l’autre, et le corps plié, retenant son haleine, posant ses pieds sourdement l’un après l’autre, il s’avança dans la direction qu’avaient prise les bêtes. Des moquettes s’éparpillaient à présent parmi les empreintes ; il les voyait distinctement, bien que la nuit fût tombée complétement. Mais la clarté du jour semblait être demeurée dans ses prunelles et, comme les chats, il les avait lumineuses et profondes.

Il était sûr de tenir un bon passage. À une certaine distance du chemin, l’herbe, très piétinée, indiquait même une habitude de gagner par là le haut de la forêt. Selon toute probabilité, le brocard et sa chevrette reprendraient la même route pour rentrer à la remise, et il se mit à regarder autour de lui, cherchant un arbre flexible et jeune.

Un petit bouleau se dressait au milieu des touffes de bruyère. Il l’attira à lui, le courba, et, avec du fil de laiton, fit un large nœud coulant. Puis il prit une touffe de bruyères et la passa sur le collier pour faire disparaître l’odeur de ses mains. Sûrement, si le couple revenait par le passage, le brocard, qui va devant dans les coulées, passerait sa tête à travers la bricole, et, à en juger par la largeur de la pince, il devait être de bonne prise.

L’homme détala.

Une lune claire s’arrondissait dans les arbres, noyait