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le regard se détendait dans des cercles petit à petit diminués.

La forêt alignait ses enfilades de hêtres dans des perspectives de minute en minute plus assombries. Du côté du couchant, une criblée de lumière trouait la masse noire des feuillages. Par places, un large rayon de soleil fendait obliquement l’air, semblait couper en deux les arbres, traînait sur le sol rouge ; et les oiseaux, se taisant l’un après l’autre, un silence s’appesantissait sur les bois.

Le ciel flamboyait à présent comme un brasier. Des bouts de laque pendaient accrochés au fourmillement des feuilles. Les arbres prenaient une immobilité de fûts en bronze sur l’or pâle du soir. Un instant, tout le dessous de la forêt nagea dans un tourbillonnement de vapeur vermeille. Une lueur d’incendie alluma les lointains, empourprant les filées d’arbres au loin, et les flaques d’eau eurent un étincellement sombre de sang. Puis, comme une braise qui s’éteint, la clarté rouge se mit à pâlir, prenant par degrés une douceur mourante de rose qui, à son tour, se fondit dans la nuit grise. Et, subitement, les feuillages s’obscurcirent.

Alors, il se redressa.

Un reste de jour blanchissait la terre sous ses pieds. Il se trouvait dans un large découvert planté de jeunes arbres. Un chemin charretier le coupait en deux, et de part et d’autre la clairière s’étendait en broussailles crespelées qui, plus loin, s’accumulaient avec des épaisseurs de fourré. Des coulées filaient sous les ronces, pratiquées à coups de dents par les lièvres et les lapins.

Il s’était baissé, était demeuré un instant immobile à regarder des voies empreintes dans la terre. Et ces voies, toutes fraîches, allaient de la partie de la clairière qui était à sa droite vers celle qui était à sa gauche. Des abattures plus rapprochées se mêlaient à des foulées