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à travers la forêt. Il avait gagné les acculs, et là, une hutte de bûcherons amis lui avait permis de préparer cette viande au thym, avec sel et poivre. Malheureusement le coq était dur.

— J’suis volé !

Et tout de même, de ses dents aiguës, il l’avait mis en pièces. Un demi-pain de seigle et un pot d’eau avaient fait le reste du déjeuner. Il y avait eu d’ailleurs une aile et un morceau de la carcasse pour le bûcheron et sa femme. Une petite à tête de bête, qui vivait avec eux, avait sucé les os ensuite. Et cela avait été une belle nourriture en somme, dont s’était largement repu Cachaprès.

Les autres jours, flâtré de son long dans les herbes, il s’était contenté de manger des racines, de la sauge, du cresson, les choses qu’il trouvait sous la main. Comme les cerfs en octobre, occupés à raire et ne songeant plus à viander, des rages de femelle remplissaient son flanc creux. Il avait passé les trois premières nuits dans la forêt. Une jonchée de feuilles sèches avait préservé ses membres de l’humidité de la terre et il avait secoué en s’éveillant ses cheveux mouillés de rosée. Mais il était tombé des pluies, le quatrième jour. Des pluies de mai, aiguës comme des lances, ça n’est pas drôle.

Il avait traversé la forêt alors et il était allé coucher à la hutte, dans la tiédeur des bûches équarries au plein soleil.

C’étaient de vieux amis à lui, les bûcherons. Ils l’avaient connu grand comme un chevrillard de six mois. Bien des fois, il s’était caché chez eux quand les gardes le traquaient dans les fourrés. Et la vieille, une carcasse efflanquée et sans sexe, lui rappelait sa mère avec ses dents en pointe, sa face cave, sa dure peau tannée comme celle des bêtes.

— Hé ! vieille hase, lui disait-il en terme d’amitié.

Et cela déridait un peu le cuir immobile de ce rude