Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’admiration. Son sourire montait à elle, tremblant et doux, ainsi qu’une prière. Elle vit qu’il avait les épaules larges, la tête énergique et fière, la robustesse des vrais mâles, et cela la toucha. Elle se prit alors à sourire aussi et il y eut dans ce sourire comme un appel vague de la chair, comme une instinctive sollicitation de ne pas la laisser avec son désir. Quand elle le revit sur l’arbre, une chaleur lui passa dans le cœur. Il était donc revenu ! C’était donc vrai qu’il la trouvait à son goût ! Et elle rêva au moyen de lui parler, de voir de près sa peau, la couleur de ses yeux, la largeur de ses mains. À midi, la ferme dormant, elle sortit, gagna les luzernes, sûre qu’il y viendrait. Il était venu. Alors elle avait appris cette chose extraordinaire, c’est que l’audacieux qui lui avait souri et qu’elle avait devant elle, plein de convoitises, était Cachaprès.

C’est-à-dire un bandit, un maraudeur, un voleur des bois, qui finirait par la prison ou peut-être pis, à moins qu’il ne crevât dans un fourré.

Soit, mais ce bandit faisait un métier viril, était un gaillard comme elle les aimait, rude et ne connaissant pas la peur ; c’était presque un héros. Des histoires se pressaient dans sa mémoire. Elle se souvint des tours qu’on lui prêtait ; et le sang du garde-forestier se réveillant en elle, elle l’admira de ruser avec les bêtes, de vivre au fond des bois, d’être plus fort que les gardes. Puis, sa pensée s’approfondissant, elle eut une perception confuse que l’amour d’un tel homme devait être supérieur à celui des rustres à face pâle et à grêles épaules.


Séparateur