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partie de plaisir. Elle avait longtemps pensé à sa peau blanche, à sa joue dorée par l’ombre de sa moustache, à ses manières douces, aux chatouilles qu’il lui avait faites dans la main. Cela avait même un peu occupé ses rêves, la nuit. En d’autres occasions, elle avait dansé avec des fermiers, des paysans riches, la jeunesse dorée des campagnes. De ce contact avec des danseurs qui la serraient de près, mettaient leurs genoux entre les siens, et par moments laissaient traîner leurs mains sur sa taille, il était resté en elle une douceur tentante qui l’acheminait à songer au reste. Elle avait pleuré une fois, dans son lit, se sentant seule, tandis que des amies à elle avaient des maris et des fiancés. Elle avait par moment le désir et le besoin d’un homme. C’était un trouble vague, une sourde fermentation de son être ardent et jeune, avec des amollissements profonds.

Sa position de fille à marier n’étant pas nette, les épouseurs tardaient à se présenter : ce n’était que la fille aux Maucord, après tout, et les Maucord n’avaient eu qu’une aisance modeste. Ah ! si elle avait été la fille aux Hulotte ! Il y avait des sous de ce côté. Ces rumeurs se colportaient, arrêtaient l’élan des fils de fermiers riches, et d’année en année on s’habituait un peu plus à la voir demeurer fille. Quant à se marier avec un simple paysan, elle ne pouvait y penser. Jamais Hulotte n’eût supporté qu’un gendre médiocre vint s’installer auprès de lui dans la ferme. Et cette mélancolie de n’être pas femme se jetait souvent au travers de la gaîté de Germaine. Elle éprouvait alors un sentiment de révolte. Une colère la prenait contre ces hommes, qui étaient assez bêtes pour ne pas s’emparer de sa beauté. Imbéciles, va !

La vue du beau gars couché dans le verger, amoureux et souriant, la charma comme une promesse d’assouvissement. Il paraissait cloué sur place, dans une fixité