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son aîné, se reposant sur Germaine de la charge des étables, de la basse-cour et de la maison.

Calme comme sa mère et comme elle douée d’une force intérieure égale et continue, la rude fermière tenait de Maucord l’énergie et la décision, avec une apparence de brusquerie. Cependant, elle n’avait d’eux que la ressemblance des caractères ; sa ressemblance physique se rattachait plutôt à la mère de son père, femme amoureuse et féconde, qui s’était remariée quatre fois et, comme elle, avait senti brûler ses joues du rouge sang des brunes. Germaine, en effet, était de la race des belles filles faites pour la caresse et l’enfantement : son large cou tournait avec fermeté sur ses épaules ; elle avait les reins développés, la poitrine saillante, les chevilles fortes ; et les besognes viriles la tentaient. Plus jeune, elle s’amusait à lutter avec des garçons de son âge et n’avait pas toujours été terrassée. Elle savait descendre les bois de la charrette, charger un sac de farine, s’atteler à la herse, transporter à la pointe de la fourche les fumiers lourds de suint, et son geste avait une décision rude.

Germaine Maucord avait été aimée en fille par Hulotte. Il n’avait pas voulu faire de différence entre cette progéniture qui lui venait d’un autre lit et celle qui lui était venue du sien propre. On l’appelait Germaine Hulotte dans les villages. Elle était vigilante, vaillante, l’œil à tout. Levée avant les domestiques dans la ferme, elle cuisait le pain, mettait la main à la lessive, repassait le linge, aidait aux grosses besognes de la maison. Elle n’avait ni le goût de la dépense ni l’amour exagéré de la toilette. C’était une fille gaie, aimant à rire, assez libre quand elle causait avec les hommes. Sa mère l’avait menée à des kermesses. Elle avait gardé de l’une d’elles, où l’on avait beaucoup mangé et dansé, un souvenir qui se confondait avec une figure de danseur, un étudiant beau garçon, venu là en