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Aucune gaîté ne détendait la placidité silencieuse de ces trois êtres réunis pendant une heure ou deux.

Mélancolique et farouche, Narcisse Maucord aimait sa femme et sa fille d’une tendresse régulière, comme dérobée au plus profond de ses moëlles. Il vivait au milieu d’elles, replié sur lui-même, avec des accès de goutte lors des changements de temps. Gourd, immobile, ses jambes posées sur un escabeau, il restait alors accroupi dans l’âtre, regardant aller et venir autour de lui Madeleine, sa femme, et la petite Germaine, sans rien dire ; et les jours se suivaient, démesurément longs. Petit à petit, un froid glacial s’était mis dans le ménage, brisé seulement entre la mère et l’enfant par une affection plus vive, qui s’épanchait naturellement quand le père était parti.

Madeleine, en se mariant, avait apporté un champ, quelques meubles et la literie ; Narcisse, lui, avait apporté la maison, qu’il tenait de son père, garde forestier comme lui ; et, à force d’économies, une petite aisance avait fin par entrer dans cette demeure soigneusement entretenue, dont la façade, badigeonnée au lait de chaux tous les ans, annonçait la bonne tenue intérieure.

Germaine avait six ans quand, à la tombée de la nuit, un samedi du mois de juillet, des bûcherons rapportèrent sur des branches entrelacées le garde foudroyé pendant sa ronde de l’après-midi. Ce fut pour Madeleine une douleur sérieuse et sans éclat. Elle perdait en Narcisse moins un homme aimé d’amour que le soutien de la maison et le père de son enfant. Elle prévoyait une charge plus lourde et des responsabilités plus graves pour elle. Puis cela rompait une habitude, et il allait y avoir désormais à la table une place vide, qui avait été largement occupée autrefois.

Des mois se passèrent. Les portes et les fenêtres