Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ah ben ! en v’là une histoire ! Si ton père était vivant, j’aurais p’t être tiré sur lui !

Elle se redressa, blessée dans une mémoire chère.

— C’était un homme, celui-là ! dit-elle rudement, il t’aurait coulé bas comme une charogne.

— Bien sûr, dit Cachaprès, comprenant qu’il avait été un peu loin.

Et il parla d’autre chose. C’était bientôt le temps des kermesses. Il lui demanda si elle aimait la danse, et comme elle répondait oui, il lui dit :

— Moi aussi. On saute, on fait des bêtises, on s’embrasse. Nous nous embrasserons, hein ! Germaine !

— À savoir.

Il s’approcha d’elle, et la tirant par les poignets de toute sa force, la tint contre sa joue.

— Ça se fait comme ça, dit-il en riant,

— Et ça comme ça, répondit Germaine en lui lâchant un large soufflet à travers le visage.

Une rougeur de colère lui était montée aux joues. Elle lui en voulait d’avoir été plus fort qu’elle : il l’avait prise en traître, sinon…

Il fixait sur elle des yeux gris, ardents.

— Veux-tu recommencer, Germaine ? dit-il.

Elle ne put retenir un éclat de rire.

— Non, répondit-elle ; il n’y a pas de raison pour ne pas recommencer après et encore après.

Des voix s’approchaient.

— Encore une petite fois seulement, disait Cachaprès, et il marchait sur elle les bras ouverts, les narines dilatées.

— Approche ! fit-elle en saisissant une bêche.

Il écarta la bêche d’un coup sec de la main et colla ses lèvres sur sa peau chaude,

— Démon ! vaurien ! fit Germaine, riante et furieuse.