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— Et que faisais-tu dans l’arbre ?

— Rien.

— Si fait.

— Quoi ?

— Tu me regardais, tiens !

Il balança la tête.

— C’est vrai.

Elle l’enveloppa d’un sourire singulier et lui dit :

— Vaurien ! T’as là un beau métier ! Rien faire et passer le jour à regarder les filles !

Il cherchait une réponse.

— Moi, fit-il, en une nuit je gagne de quoi rien faire trois jours. Et puis, ça me plaît de te regarder. J’aime autant ça que de me fouler les pieds à marcher.

Elle lui dit qu’étant jeune, elle aimait à courir dans les bois ; mais cela lui arrivait rarement, son premier père ne voulant pas. Et, tout à coup, il y eut comme une joie sur son visage.

— C’est juste, je ne t’ai pas dit. Mon père était garde. Il crut qu’elle se moquait de lui. Alors elle lui expliqua le mariage de sa mère avec le fermier Hulotte. Le meilleur de sa vie s’était passé à la ferme. Toute petite, elle n’avait pas été heureuse : non pas que son père fût méchant pour elle ; mais il avait l’humeur un peu noire des gens qui vivent dans les bois. Et en disant cela, elle lui lançait un regard pour le faire parler.

— Oh ! moi, répondit-il, j’suis bon comme le pain. Je ne sais pas ce que c’est que de faire de la peine à quelqu’un.

Il se vantait, se laissa aller à un éloge immodéré de son caractère. Et il ajouta que celle qui l’aurait le verrait bien. Puis revenant de son étonnement de la savoir la fille de Maucord, alors qu’il la croyait engendrée de Hulotte, il eut une traînée de petits rires sourds.