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cations de l’énorme bruissement confus qui traîne dans les crépuscules.

Le père Hornu, devenu très vieux, habitait toujours sa masure aux limites du bois. Sa longue carcasse droite se dessinait maintenant en creux, avec des hauts-reliefs d’os, et il traînait des jambes engourdies par les rhumatismes. Ne pouvant plus monter aux arbres, il fendait à coups de hache le bois coupé par ses garçons, le taillait en bûches, en faisait des tas ; et petit à petit, la force lui manquant pour cette besogne, il ne s’occupa plus qu’à brouetter les ramées, de son pas lent qui chancelait sous la tension de la courroie.

Un des fils s’était marié : la sombre hutte avait pris alors des airs de nichée, et le grand’père, un peu plus délabré à chaque saison, gardait à présent les enfants, abritant de son lambeau de vie leur grosse petite existence. La forêt se vengeait des outrages qu’il lui avait fait subir en le desséchant comme une vieille souche déchaussée, et, par étapes, il s’acheminait à la mort, ayant déjà dans les membres la raideur des trépassés.

Un jour Cachaprès, rentrant au logis, trouva le vieux sur un matelas de feuilles, l’œil démesurément ouvert, glacé.

Ce fut un lourd ennui pour ces hommes des bois de se conformer aux prescriptions de la loi. D’instinct, ils auraient creusé une fosse dans le hallier, auraient mis le corps dedans, au lieu de courir à la mairie, passer par des tas de formalités, finalement le mener au cimetière commun.

Les frères fabriquèrent une bière avec de la volige, étendirent le mort au fond, sur une couche de feuilles, puis, tous ensemble s’y mettant, y compris Cachaprès et la vieille Hornu, on porta le cercueil.

Elle n’avait pas pleuré, la mère : son dur visage en