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Les gardes partis, il eut un rire en dedans : il serait plus malin dorénavant.

Il se procura de la poudre. Il tiraillait après les oiseaux : mais la poudre partait avec un bruit mousseux de fusée, sans blesser. Il y ajouta de la pierraille menue, et des morts tombèrent, mais rares, tandis que les suivants filaient, secouant leurs plumes par dérision. Ce n’était donc pas suffisant encore. Et comme il s’abîmait dans des recherches, son père arriva et le vit couché, son fusil près de lui.

— Biesse ! dit-il, c’est pas avec la pierre qu’on charge. Faut du plomb.

Et l’enfant qui s’attendait à une colère, vit un attendrissement sur la face boucanée du vieux.

Le père partit un dimanche pour la ville, un peu avant qu’il fît jour ; et tout en cheminant, il s’émerveillait de ce vaurien précoce, sa chair et son sang. Même le bois l’entendit rire, farouchement gai, d’une gaîté de solitaire. Et à midi il rentra, ayant dans sa poche de la poudre et des chevrotines.

— Tiens, fieu, dit-il à Hubert ; c’est pour t’amuser. Les chevreuils, ça va jusqu’à des trente francs ; et les lièvres, on en donne des deux et même des trois. Mais y a les gardes, les gendarmes, des canailles ! Faut voir à voir.

Dès ce jour-là, l’enfant fut braconnier. Il tua pour de l’argent après avoir tué pour son plaisir, faisant du massacre à tant la tête, et son adresse de tueur augmentant d’année en année, il devint bientôt un ennemi redoutable qui enserrait dans le réseau de ses ruses les tanières, les terriers et les clapiers, à plusieurs lieues à la ronde.

Puis, trouvant que cela se dépeuplait, traqué par les gardes, il déserta le bois, gagna les villages, y colporta son état.