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tait l’air de ses poings, était pris de convoitises d’enfant gâté devant cette douceur chaude du poil. Il fallait la lui abandonner. Ses dents aiguës pointaient alors dans un sourire ; il saisissait la peau, en arrachait la toison par touffes, montrant une sorte de gaîté féroce à tourmenter ce morceau inerte d’une ancienne existence.

Le bûcheron Hornu, vieillard sec et maigre, planté sur ses hauts fuseaux qui craquaient aux jointures, riait d’un bon rire muet en voyant ce goût de la destruction, et, par moments, se laissant aller à une confidence, disait que le petit homme ferait, à coups de hache et de couteau, son chemin dans la vie.

Il y avait dans ces mots du père une finesse sombre, avec un fond de satisfaction nullement dissimulée. Pour cet homme, qui avait vécu sa pleine vie dans les solitudes, côte à côte avec sa femelle, prenant le boire et le manger où il les trouvait, sans notion du bien et du mal, mais jugeant vaguement que la terre était à tous comme l’air, les sources, la pluie et le soleil, le fait d’être redouté pour sa force et sa ruse était une supériorité. Lui-même n’aurait pas fait grand cas de la vie d’un homme ; seulement il n’avait pas été dans la nécessité de tuer ; et, son écrasement social l’ayant rendu dissimulé, sans lâcheté toutefois, il vivait d’une vie sournoise, heureux de penser que son fils Hubert n’aurait pas ses scrupules et ferait au besoin le coup de feu contre ceux qui l’empêcheraient lie vivre à sa guise.

Cette espérance devait se réaliser.

Hubert fut très jeune un dénicheur de nids terrible. C’était un jeu pour lui de monter aux arbres, de grimper dans les branches, de se hisser au plus haut, et, balancé par les roulis du vent, de guetter sa proie dans l’enfoncement des troncs. Il redescendait, embrassant l’arbre d’une main, l’autre main emplie d’un pépiement d’oisil-