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passage à coups de couteau, ayant essayé vainement de ramper. P’tite, elle, bravement mettait ses jambes nues dans les ronces, insensible aux meurtrissures. Des pans de sa jupe demeuraient accrochés derrière elle, aux terribles crocs des touffes.

Il alla tomber sur un tertre couvert de hautes herbes. Il était à bout ; il défaillait. Sa plaie, exaspérée par la course, cuisait, comme si une braise enflammée eût été posée dessus. Impossible de remuer le bras, qui pendait inerte, avec des ballottements morbides. La balle avait fracassé la clavicule de l’épaule et s’était logée dans les tissus, à proximité des muscles du cou.

Le sang coulant à flots, il recommanda à P’tite de lui fendre sa veste à la pointe du couteau. Elle obéit. Il déchira lui-même ensuite avec les dents un bout de l’étoffe, puis lui montrant une source qui miroitait sous l’herbe, à peu de distance, il exigea qu’elle y trempât ce lambeau ; alors, allant de la source au blessé, constamment, elle étancha le sang, pendant longtemps. Il s’assoupit.

L’aube descendit sur les bois.

Elle s’était assise à un pas de lui. Ses yeux secs dévoraient la rondeur nue de son épaule, goulûment. Ce torse superbe la rendait songeuse, petit à petit la troublait. Des chaleurs passaient dans ses veines, des tremblements lui montaient aux lèvres.

Il se dressa en sursaut, demandant à boire. Un peu de délire se mêlait à ses gestes. Il ouvrait et fermait les yeux rapidement, comme cherchant à se remémorer. Et des exaspérations de douleur sortaient de ses dents, des cris, des mots lacérés, des heu ! de torturé.

P’tite lui apportait de l’eau dans ses mains rapprochées. Cette fraîcheur le calmait un instant, mais aussitôt après il se remettait à l’appeler, exigeant de l’eau, toujours,