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ses cheveux tombant sur ses yeux comme des broussailles.

Il demanda du genièvre ; il n’y en avait pas. Il demanda de l’eau, alors. Sa gorge était sèche comme le dedans d’un four. Il but une large jatte d’un trait.

P’tite tournait autour de lui, inquiète, curieuse, les sourcils tendus. Elle aperçut le ruissellement du sang, poussa un cri, élargit démesurément les paupières, et tout d’un coup sautant sur ses mains, l’interrogea d’un mot.

— Les gardes ?

Il hocha la tête, sentant une douleur insurmontable à parler. Ses dents serrées l’une contre l’autre, il retenait sa respiration, pris de lançures poignantes à chaque gorgée d’air. Il fit un effort, dit en deux mots la lutte, la poursuite, le fourré où il comptait se terrer.

— Tu m’porteras à boire ! ajouta-t-il. J’ai le feu d’enfer dans les dents.

Une pâleur plus forte s’était répandue sur sa face ; il chancela. Le cœur de l’enfant eut un haussement viril. Elle s’élança.

— Pose-toi sur m’n épaule. J’te mènerai.

Il répondit par une bravade.

— Ben non ! J’suis-t-y pas un homme !

Et se raidissant contre la faiblesse qui l’envahissait, il sortit, la main crispée autour du canon de son fusil comme autour d’un bâton. Elle le suivit, demi-nue, ses maigres épaules sortant de sa chemise, un lambeau de jupe noué autour de ses reins. Et chaque fois qu’il oscillait, elle s’avançait, le soutenait de son corps qu’elle tendait sur ses tibias secs, déterminée comme un garçon.

Ils arrivèrent au fourré une heure avant l’aube. Cachaprès éprouva une peine énorme à pénétrer dans l’emmêlement des broussailles. Il lui fallut se tailler un