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vait distinctement, et par moments un cheval faisait sonner sa longe dans l’écurie, piétinait. Quelque chose de Germaine était épars à travers ces choses ; il les écoutait, ravi, leur trouvant un accent familier, il ne savait quoi d’entendu autrefois. Si proche de sa présence, il était pris d’un effarement ; il lui paraissait que la terre tremblait sous ses pieds ; sa gorge brûlait. De l’étang montait le coassement rauque des grenouilles.

Il demeura un instant sous le charme de cette nuit doucement en rumeur, comme assoupi, et brusquement un bruit lui fit tourner la tête, en sursaut, les oreilles tendues.

Quelque chose avait bougé sous le hangar.

Il n’eut pas le temps de se reconnaître ; une tache vague se détacha du noir, prit la forme de deux grands diables de gendarmes qui, le mousquet au poing, menaçants, se ruèrent sur lui.

— Au nom de la loi !

Il fit un bond en arrière prodigieux, épaula sa carabine, pressa les deux détentes, coup sur coup.

La double détonation déchira la nuit avec un fracas effrayant, et l’écho, roulant de part en part, sembla éveiller toute une mousqueterie au fond des bois.

Le geste de Cachaprès avait été si prompt que les gendarmes n’avaient pas même eu le temps de se garer. Une flamme rouge avait éclaté dans le noir du mur, par deux fois, et l’un d’eux s’était renversé sur l’autre, en poussant un cri, la face et la poitrine éraflées par une volée de chevrotines. L’autre alors avait visé après une forme qui bondissait, lancée comme un cabri, à travers le verger, mais la balle était allée frapper un pommier, et Cachaprès avait continué à fuir, avalant la pente d’un formidable coup de jarret.

Le gendarme à son tour se lança, courant de toute la