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dans une souricière ! Tapi dans l’obscurité touffue des blés, comme un lièvre, il songea, ayant tout à coup une hésitation.

La chair fut plus forte.

Les champs de blé étaient coupés par le sentier qu’avaient suivi les gardes. Une pleine clarté s’abattait là. Passage dangereux. Il se ramassa en boule, bondit et d’une pièce retomba dans les blés qui bordaient l’autre côté du sentier. Puis, filant à toute vitesse, il recommença sa trouée. Mais les blés finirent subitement et il se trouva devant un champ de pommes de terre. Cela faisait un large découvert, tout nu sous la lune. Nouvelle ruse alors. Il s’aplatit de son long dans un des sillons. La noire verdure broussailleuse des plantes arrondissait au dessus de lui ses dômes épais. Il se mit à ramper sur le ventre, écartant devant lui les emmêlements des tiges, légèrement. Le silence s’était rétabli dans le bois ; la marche mystérieuse qu’il avait entendue du côté de l’étang s’était perdue dans l’immobilité muette des lointains. Selon toute probabilité, le danger avait disparu.

La haie du potager des Hulotte lui barra le passage. La suivre extérieurement était imprudent. Un garde quelconque, défiant ou las, n’aurait eu qu’à s’attarder aux acculs du bois.

Il fit un trou à la haie, se glissa dans le potager, longea la clôture à grandes enjambées, plié en deux, la tête à la hauteur des reins. Un peu plus loin se massait le verger, séparé des bâtiments de la ferme par un chemin de service. Il y avait là des charrettes, des tas de bois, des souches déchaussées, pêle-mêle, et juste à l’extrémité du potager ; un hangar posait sur quatre piliers en briques son toit de tuiles brunes.

Cachaprès passa devant le hangar, étouffant le bruit de ses souliers. Le ronflement des vaches à l’étable lui arri-