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Il se fit un silence. Puis, à son tour, il lui demanda qui elle était.

— J’suis la fille aux Hulotte. C’est à nous la ferme.

Et montrant du doigt les alentours :

— Ça aussi, jusqu’à la haie qui est là-bas. Et y a aussi les prairies, de l’autre côté de l’étang.

Il haussa les épaules.

— J’suis plus riche que toi. Moi, j’ai tout ce que j’veux. S’y avait du lapin dans les terres de ta ferme, je l’aurais. J’suis un môssieu le baron partout où j’suis, moi.

Il lui demanda son petit nom.

— Pourquoi faire ?

— Tiens, pour savoir.

Elle s’appelait Germaine. Elle avait trois frères ; le plus jeune était en pension ; il avait dix-huit ans ; il savait jouer du piano. Les deux aînés travaillaient aux champs. Elle s’interrompit pour rire et, les deux poings sur les hanches :

— Devine un peu mon âge, pour voir.

— Dix-neuf, quoi !

— Avec deux ans en plus. J’suis déjà vieille, tu vois.

— Peuh ! c’est le bon temps pour les galants, dit-il après un instant.

— Oh ! pour ça !

Elle hocha la tête, sembla dire qu’elle n’y pensait seulement pas. Mais il tenait à son idée ; une curiosité jalouse le stimulait. Et, brusquement, il l’interrogea :

— Voyons, qui ?

— Moi ? Personne.

— Si fait.

— Non.

Il s’avança résolûment.

— Alors, ce sera moi.