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une rumeur lui paraissait douteuse, puis repartait du trot, alerte et souple du chevreuil, les reins ployés.

Il y eut un moment critique. Des voix lui arrivaient de loin, apportées par le vent. Il s’arrêta, écouta. Les voix, autant qu’il pouvait en juger, étaient celles de huit à dix hommes, marchant à sa droite. Par échappées, le bruit de cette marche s’entendait distinctement. Il se lança, prit un temps de course, ensuite écouta de nouveau. Aucun bruit, hormis le bruissement des feuillages.

Le petit jour blanchissait les hauteurs du ciel quand il passa devant la maison de la Cougnole. Il avait faim et soif ; un besoin de sommeil l’étourdissait. Il cogna à la fenêtre, du côté de la cour. La vieille avait le dormir rude ; elle ne s’éveilla qu’au carillon de ses vitres, tintant sous une grêle de coups.

— Fieu de Dieu ! dit-elle, passez votre chemin ; n’y a ici qu’une pauv’ bribeuse qui n’a plus que l’saint bon Dieu pour lui venir en aide.

Il glissa son nom à travers le trou de la serrure.

Aussitôt des pieds nus claquèrent sur le carreau et elle ouvrit.

— C’est toi, m’fi ?

— À boire !

Il ferma la porte derrière lui, s’allongea sur le lit de la vieille. Ouf ! il était rompu. Il demanda des nouvelles de Germaine. Elle haussa les épaules, n’ayant rien à dire. Et lui qui venait pour dormir, il fut pris de souvenirs aigus à la vue de cette chambre où ils avaient passé de si bons instants. La revoir ! Une envie furieuse de palper une dernière fois sa peau chaude et grasse lui faisait oublier le sommeil. Il mit de l’argent dans la main de Cougnole.

— J’suis pris si tu dis un mot ; les gardes sont après