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nids, et, à pas lents, ils prirent le chemin qui menait aux collets. Une tache rousse s’élargissait sur l’herbe.

— Une hase ! cria Cachaprès.

Il fit une enjambée, se baissa vers la bête, et subitement fit un haut-le-corps. On avait touché au collet ; il ne reconnaissait pas son nœud.

Il eut un cri :

— J’suis vendu !

Au même moment, un froissement s’entendit dans les branches, et trois hommes se précipitèrent, l’enlacèrent de leurs bras. C’étaient les trois gardes. Le traître avait disparu.

D’un mouvement d’épaules, Cachaprès envoya bouler Bastogne, le plus âgé des forestiers, et prenant Bayonnet, le plus jeune, il lui cogna la tête de toutes ses forces contre un arbre. Un flot de sang jaillit du nez du garde, tachant les mains de Cachaprès. L’action avait été rapide comme l’éclair. Le braconnier fit un bond de côté, prêt à gagner le bois. Deux mains se posèrent sur son cou, solides comme des étaux. C’était Malplaquet, le troisième forestier, qui se pendait à lui.

Le forestier était vigoureux et subtil, ayant été braconnier en son jeune temps. De ce métier, il avait conservé l’adresse, les ruses de la bataille, les coups bien portés. Cachaprès bleuissait sous la pression, de minute en minute, plus forte de ses doigts de fer. Il ruait, se tordait, battait des reins. Malplaquet tenait bon.

Bayonnet et Bastogne arrivèrent à la rescousse, et tous trois ensemble alors tentèrent de le maintenir. Bayonnet lui passa une corde autour des jambes. Il rompit la corde, lança un coup de pied terrible dans le ventre du pauvre diable qui, hoquetant, alla rouler à terre et presque au même instant, fracassa le visage de Bastogne, de son poing largement abattu.