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sans en avoir l’air, puis s’en allaient rapporter aux gardes ses forfanteries. Il ne tardait pas à sortir. Ils le regardaient passer, sifflant, ses mains dans les poches, et calme, se glisser dans le bois du pas de flânerie. Les gardes le suivaient, épiant ses actions derrière les taillis.

Un soir, ils le virent se baisser, avec le geste évident d’un homme qui attache un collet. Tapis tous trois dans les buissons, ils attendirent qu’il eût fini. Il se releva, poursuivit sa route dans le bois, et, au bout d’un temps, de nouveau se baissa, avec le même geste. Il les promena ainsi pendant deux heures, posant ses collets de l’air indifférent de quelqu’un qui se sent protégé par l’épaisseur des feuillages.

La nuit tomba. Il se perdit dans le noir.

Cette fois, les gardes le tenaient. Chacun d’eux se posta à portée d’un des collets, jugeant que l’homme viendrait les relever au petit jour. Le matin se leva sur le bois ; Cachaprès ne paraissait pas. Ils demeurèrent jusqu’à midi. Personne. Alors ils se replièrent l’un vers l’autre, se sentant joués. Et, en effet, le coquin avait posé ses lacets dans la conviction qu’ils y viendraient. Tandis qu’ils se glaçaient à l’attendre dans l’humidité froide de la nuit, il levait tranquillement les lacets qu’il avait été poser à une demi-lieue de là, après s’être dérobé à leur poursuite.

Une rage s’empara des gardes. Ils embrigadèrent des aides, et tous ensemble, les jours et les nuits, battirent les taillis.

Cachaprès demeurait insaisissable. Quelquefois, il était aperçu distinctement à travers les arbres, et la minute après il disparaissait, devenait une ombre qui se confondait aux ombres de la vesprée. Une complicité s’établissait entre la forêt et lui. Il grimpait aux branches, se cachait dans leur rondeur touffue ou bien s’aplatissait