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Le bruit de la porte charretière s’ouvrant le tira de sa torpeur. Il prit la fuite et tout le jour courailla par la forêt, poursuivi par des idées rouges. La nuit tombée, il revint prendre son poste de la veille, guettant la fenêtre de sa grande prunelle sombre.

Par instants, il quittait la haie, se rapprochait de la maison, étudiait la hauteur des fenêtres. Une force le poussait ; il se sentait attiré vers cette chair dormante, de l’autre côté du mur.

Un tas de perches avait été remisé près de la barrière du verger, quelques-unes de belle grosseur. Il prit la plus résistante et la posa contre le mur. Ses mains tremblaient.

Le bout de la perche atteignait au toit. Il l’enserra de ses bras et se mit à grimper, mais le baliveau ayant craqué, il retomba sur le sol. Une épouvante s’empara de lui, alors ; il courut du côté du bois, se croyant poursuivi.

Le ciel était noir ; d’épaisses ténèbres couvraient la terre et un vent de tempête battait les arbres, ronflant au loin avec un bruit de grandes eaux. Les basses branches, ployant jusqu’à ras du sol, le fouettaient au visage. Il voyait osciller devant lui la masse confuse des taillis. Le bois, furieux, se cabrait sous les rafales, échevelant ses feuillages comme des crinières. Et constamment, le grondement profond du vent roulait, faisant aux grincements des cimes une basse qui, par moments, s’assoupissait, et tout à coup reprenait, finissait par engloutir les autres bruits dans sa rumeur continue.

Il rôda dans cette horreur jusqu’au matin. Autant que lui, la nature était bouleversée, et il se trouvait bien de la tourmente comme d’une sympathie avec sa peine. Puis la tempête cessa, petit à petit noyée dans des averses ; et les pluies durèrent deux jours.