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plus facilement. Mais il avait de gros souliers de cuir à forte semelle, et les souliers n’avaient pas fait plus de bruit sur le chemin que des pieds nus. Un étonnement lui fit hausser les sourcils.

Lui la regardait de ses yeux gris, très doucement. Il n’y avait plus la moindre hardiesse dans ce regard. Au contraire, ses yeux semblaient noyés dans une moiteur. Une timidité le tenait là, sans oser rien dire.

Elle était demeurée à genoux dans la luzernière, les bras nus, son ventre plongé dans la verdure sombre et haute. La tête à demi-inclinée sur son épaule, elle l’observait, satisfaite de le voir humble devant elle ; et tout d’un coup, le tutoyant sans y penser, elle lui dit :

— Qui es-tu ?

— Cachaprès, répondit-il.

Elle eut un étonnement.

— Le braconnier ?

Il agita sa tête de bas en haut, plusieurs fois de suite. Alors elle reprit, comme perdue dans une pensée :

— Ah ! c’est toi qui es Cachaprès ?

Et de nouveau, il lui répondit en hochant la tête d’un mouvement lent et continu.

Elle contemplait sa beauté rude d’homme des bois. Son torse carré reposait sur des reins larges et souples. Il avait les jambes droites, la cuisse saillante, les genoux fermement dessinés, et ses mains étaient fines, sans callosités. Elle admira ses cheveux crépus et noirs, retombant sur un front court, et une admiration plus haute se joignait à celle-là : c’est que l’homme qu’elle avait devant elle était Cachaprès. Une terreur s’attachait à ce nom. On savait que partout où passait celui qui le portait, le gibier était en danger ; et cet homme redoutable baissait la tête devant elle, soumis comme un animal.

Au bout d’un temps, elle reprit :