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le prit à bras-le-corps comme il avait été pris lui-même ; mais, au moment où il l’enlevait de terre, les deux mains de Warnant s’abattirent sur son front, lourdes comme le plomb, et il tomba à la renverse, entraînant dans ses bras son rival.

Ils se cognaient aux tables, bousculaient les chaises, se tordaient, étroitement serrés l’un à l’autre. Les crânes sonnaient sur le pavement comme des calebasses, parmi les gémissements, les cris inarticulés qui sortaient des gorges ; et des chocs brusques s’étouffaient dans un roulement sourd, continu.

Quelquefois la lutte semblait s’immobiliser ; ils se maintenaient si bien emboîtés que tous deux cessaient de bouger. Puis l’étreinte se relâchait, et de nouveau les mains, les bras, les genoux s’emmêlaient, faisant des angulations furieuses à ras du sol. Une férocité mutuelle donnait à cette masse courant des bordées, des airs de carnage. Les chemises déchirées laissaient les poitrines à nu ; les poignets lacérés, striés d’égratignures, s’engluaient d’une viscosité de sang. Par deux fois, les mâchoires de Hubert avaient happé les joues de Warnant, au point d’y laisser leurs empreintes, larges et carrées. Warnant, ayant les dents branlantes, ne mordait pas ; mais il le tassait sous ses puissants genoux, lui labourait le cou de ses mains nerveuses, le clouait à terre de toute la pesanteur de ses épaules. Et l’autre hurlait, s’aidant de pratiques abominables. Tantôt il lui pointait ses doigts dans les yeux, en fourchons, ou bien cherchait à l’atteindre au bas-ventre, traîtreusement. Mais Warnant, vigoureux et leste, le contrecarrait chaque fois par des parades adroites.

Un coup de tête dans le nez lui fit perdre tout à coup ses avantages. Il se redressa sur les genoux, aveuglé, tous les os de sa face craquant, comme hébété, tandis que Hubert, se dégageant d’une secousse, passait derrière