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Il mit ses deux mains sur ses épaules, et les paroles lui revenant, il continua :

— Est-ce pas qu’y-z-en ont menti, que Germaine est toudit not’ fille, not’  bonne et honnête fille ?

Elle fut tentée de se jeter dans ses bras. Des sanglots lui montaient aux lèvres et il la regardait avec douceur, presque avec attendrissement, lui demandant un élan, une protestation, une preuve que ce qu’on lui avait dit était faux.

Cette bonté l’arrêta : il lui semblait qu’elle aurait eu plus de courage devant une colère, et n’osant pas mentir, indécise sur ce qu’elle avait à répondre, les paupières battantes, elle eut une réponse évasive au lieu de ce cri spontané qu’il attendait.

Le silence des après-midi s’étendait sur la ferme, semblait les isoler de la vie extérieure, et ce silence pesait sur eux avec une gravité extraordinaire. Il regardait anxieusement, immobile, sans respirer, espérant qu’elle allait ajouter quelque chose à ce non dit du bout des lèvres, et elle continuait à se taire, la tête basse, dans l’attitude d’une coupable. Une horloge ronflait contre le mur, désespérément monotone au milieu de la déroute de ses idées.

Il la repoussa brusquement du plat de ses mains demeurées sur ses épaules. Une sévérité dure plissait les coins de sa bouche, tout à l’heure détendus. La colère, lente à venir, à présent s’emparait de cet homme indulgent et bon.

— Voyons, faudrait savoir tout de même. C’est-y que t’as oublié tes devoirs et que cet homme est ton homme ? Lève la main, Germaine, et dis-moi non, sur l’âme immortelle de not’ chère femme défunte, de ta mère qu’est là-haut.

Elle fit un mouvement pour étendre le bras, mais ce