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Il avait roulé à ses genoux, les mains passées derrière sa taille et de là remontées jusqu’à ses épaules, où elles se tenaient comme agrafées. Une volupté cruelle convulsait son visage aux narines dilatées, et il buvait des yeux le sourire qui flottait sur la bouche de Germaine.

La Cougnole les avait laissés seuls, comme d’habitude. Ils entendaient dans le silence du dehors le bruit de son couperet taillant des coterets, à l’entrée du bois, et comme aux bons jours, leur ivresse se doublait du mystère de leur solitude.

L’horloge jeta l’heure sur ces baisers.

Justement, un peu de lassitude commençait à peser sur Germaine, et la réflexion lui revenant, elle avait presque regret à présent de s’être abandonnée.

Il remarqua l’éclat froid de ses yeux.

— ’Core des idées ? demanda-t-il avec une douceur triste.

— J’pense, fit-elle, à ce Hayot, que t’as culbuté. Dis-moi tout, mon cœur.

Il fit un récit fidèle, imitant le mouvement du cheval qui se cabre, l’homme précipité, l’air pleutre du fermier se relevant. Une pointe de grotesque s’attachait à cette mimique. Elle le caressa.

— Tu m’vas avec tes yeux colères.

Elle s’était si bien intéressée à la lutte qu’elle oubliait tout ce qui n’était pas le corps à corps de ces deux hommes dont l’un, tassé sous l’autre, geignait, criait merci.

La sonnerie de l’horloge la rappela à des idées graves. Dieu sait ce qu’il adviendrait de cette rencontre ! Des inquiétudes la gagnaient.

— Peuh ! fit-elle en haussant les épaules.

Elle était bête, après tout, de se manger le sang, sans savoir de quoi.