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Il eut un saisissement, comme devant une certitude de tromperie ; et tout à coup indifférent :

— T’as travaillé hier ? demanda-t-il.

Elle ne devina rien et fit de la tête un signe pour dire oui. Il ressentit un choc ; des sueurs lui montèrent à la face.

— Jusqu’au soir ?

Cette insistance la mit en garde ; un doute traversa son esprit. Et elle hésita, tourna rapidement les yeux vers lui ; mais payant d’audace :

— Jusqu’au soir, oui.

— Alors sa fureur le reprit, et la repoussant d’un geste brutal :

— T’en as menti !

Elle se redressa, la tête haute, prête à entamer la lutte, et le défia du regard.

— Que j’mens, moi ?

Ah, oui ! qu’elle mentait ! Est-ce qu’il ne devinait pas tout à présent ? Elle le trompait, elle avait des galants. Et toute sa colère de la veille lui revenant, il l’accabla de mots terribles. Il avait failli tuer un homme à cause d’elle. Elle n’en valait pas la peine. Il y avait longtemps qu’elle le trompait. Et il avait été assez bête pour la croire sur parole ! Ah ! mam’zelle se faisait accompagner par des fils de fermier, des Hayot, elle leur abandonnait sa main, elle leur faisait accroire qu’elle était pucelle, peut-être !

Il avait croisé les bras, le torse ramassé, et tendait vers elle sa tête ravagée. Les mots sortaient étranglés de ses dents et il les entrecoupait d’un rire âpre qui claquait comme un fouet. Ses bras à elle avaient glissé le long de son corps. Elle l’écoutait parler, à travers une stupeur, ses yeux arrêtés sur les carreaux du sol, fixement. Ce qui la tenait, c’était moins qu’il se fût trouvé sur son chemin