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surprise, et lui parlait bas, un peu penchée. Subitement elle vit ses méchants yeux noirs flamber comme des tisons, avec un mélange indéfinissable de plaisir et de colère. Et elle eut un haut-le-corps, devant cette chose peu naturelle qui trahissait une hostilité.

La petite demeurait plantée sur un pied, s’amusant à glisser l’autre pied le long de son tibia, d’un mouvement régulier, sans faire mine de partir. Germaine serra les dents, se sentant, elle aussi, de la colère contre cette méchante petite bête.

— Va-t’en. Quand j’te dis que j’peux pas, fit-elle.

L’enfant secoua la tête.

— Y m’a dit…

Et elle répéta ses paroles, à lui, avec l’obstination d’une consigne. Une joie la remuait au fond, c’était de voir que cette Germaine n’avait pas d’amour pour Cachaprès ; son instinct l’avertissait qu’on aime autrement.

Cette insistance finit par inquiéter la belle fille. Elle prit un parti.

— Eh bien, tu lui diras que ça sera pour dans trois heures, chez la Cougnole.

P’tite s’en alla sans prononcer une parole. Germaine regardait son buste mince et plat remuer tout d’une pièce, comme un mécanisme. Et subitement elle la vit se retourner et darder sur elle, une dernière fois, son œil noir irrité. Alors elle se rappela certaines paroles de Cachaprès concernant un sauvageon qu’il appelait la Gadelette. C’était cette gamine, bien sûr. Elle haussa les épaules, trouvant drôle qu’une fillette fût amoureuse de son homme, à elle.

La porte dépassée, l’enfant fit une grimace, montra le poing à la ferme et prit sa course à travers champs, riant à plein gosier et gaie d’une gaîté de pie dans les futaies.