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Un jour qu’elle était dans la forêt à ramasser des feuilles, une dame avait paru dans le chemin, habillée de velours, avec des découpures blanches qui mettaient sur sa robe des dessins de givre et qui étaient de la dentelle. On était aux derniers jours de l’automne : la dame marchait dans un rayon de soleil et toute sa personne reluisait comme la statue de la Vierge peinte en bleu et blanc, dans la chapelle de la Trinité, à une lieue des Duc.

P’tite était demeurée sur place, les mains en l’air, la regardant passer, très convaincue que c’était la sainte Vierge elle-même. Une voiture suivait, attelée de deux chevaux, avec deux grands domestiques qui avaient de l’or au chapeau, et doucement la dame et les chevaux s’étaient enfoncés dans la profondeur, du pas lent des visions.

Il lui sembla très nettement que Germaine avait quelque chose de la belle dame. Elle admirait, rageuse, avec une férocité dans les yeux.

Germaine s’impatienta.

— Ben, quoi ? Qui es-tu ?

La garçonne, sans cesser de mordiller son mouchoir, mâchonna quelques mots.

— Hein ? fit Germaine en baissant la tête.

Elle avait cru distinguer un nom.

L’autre parla clairement, cette fois. Elle lui dit qu’elle était envoyée par le braconnier ; il était dans le bois ; il voulait la voir immédiatement. Et tout en parlant, elle avait sous ses sourcils rebroussés des regards aigus comme des pointes de couteau.

Germaine haussa les épaules, avec dépit ; puis ayant réfléchi, répondit :

— Tu lui diras que j’peux pas. Non, j’peux pas, c’est bisquant. Ça sera pour une autre fois.

Elle portait ses regards autour d’elle, de crainte d’être