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cou sur ses épaules sèches ; mais aucune des figures qui traversaient la cour ne ressemblait au portrait qu’il lui avait fait d’elle ; et, sans bouger, aplatie contre le mur, comme une bête qui se tapit, elle guetta toute une heure. À la fin, une grande fille brune sortit de la maison ; sûrement, c’était elle ; l’enfant quitta sa cachette.

Germaine, entendant un claquement de pieds sur le pavé, se retourna et aperçut la maigre fillette qui la regardait de ses yeux immobiles, mordillant entre ses dents, sans rien dire, un bout de mouchoir noué autour de son cou.

L’enfant la dévisageait, colère, oubliant la commission qui l’amenait en sa présence.

Alors que les Duc n’avaient rien vu, ce petit cœur farouche avait deviné pourquoi leur fieu se faisait rare chez eux. Quelque chose l’avait avertie de la rivalité d’une amie plus puissante à le retenir qu’eux trois ensemble. Et, dès le premier moment, elle l’avait détestée.

Cette semence de haine avait grandi : c’était à présent une rancune irrémissible, traversée de rêves de vengeance sourde.

Plus d’une fois, elle avait suivi Cachaprès dans la forêt, sournoisement, s’attachant à ses pas, avec l’espoir tenace de voir surgir des taillis une face rieuse de femme. Oh ! elle eût donné le petit doigt de sa main pour la connaître ! Mais, rien : les taillis n’avaient pas livré leur secret ; elle avait dû rentrer ses rages. Et, enfin, l’occasion se présentait ; elle l’avait sous les yeux, cette créature qu’elle eût voulu dépecer avec ses dents. De dépit de lui trouver une peau lisse, dorée comme le soleil, son petit mufle se crispait. Pourquoi, comme la Duc, n’avait-elle pas la chair râpeuse et noire, le ventre plat, les yeux éraillés ? En outre, sa stature était haute et forte, et elle se rappelait une histoire qui lui était arrivée.