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— Sur mon père !

— Sur t’mère.

— Sur ma mère !

— D’abord que c’est ainsi, lève-toi.

Moulu, les reins brisés, éprouvant une peine insurmontable à remuer la tête, Hubert Hayot se releva lentement, d’abord sur un genou, puis sur l’autre, et ses mouvements avaient une gaucherie honteuse, mal déguisée sous une indifférence apparente. À présent qu’il avait échappé à son étreinte, il aurait voulu trouver un couteau, une fourche, une arme quelconque pour tuer cet homme, dont il n’aurait pu venir à bout autrement. Des idées de vengeance traversaient sa cervelle. Et il ramassa son chapeau écrasé, évitant de montrer son visage bouleversé par la haine.

Cachaprès, au contraire, rasséréné, éprouvait une envie d’être généreux et bon. C’était plus que de la joie qu’il éprouvait. Germaine n’avait de galant que lui ; cet homme avait juré sur la vie de sa mère et de son père qu’elle ne lui appartenait pas.

Et devant cette certitude, il eut regret de sa violence :

— J’ai p’t-être été un peu vif, se dit-il.

Penaud, il tourna la tête et chercha le fils des Hayot, pour tenter une réconciliation.

Il avait disparu.

Le gars demeura un instant à songer. Après tout, c’était de sa faute, à ce grand losse ; s’il s’était contenté de galoper près de la voiture, rien ne serait arrivé. Et il remua les épaules comme pour se débarrasser d’une pensée obsédante ; mais elle revint l’assaillir. Qu’est-ce qu’il adviendrait ? C’est que le rossé chercherait à se venger ; il ferait retomber la faute sur Germaine et raconterait qu’elle avait une liaison. Cela les perdrait tous les deux.

Alors il se mit à courir.