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des oreilles et de la mâchoire, ruisselant jusque dans ses dents. Dressé sur ses étriers, avec un geste d’assommeur, le fils du fermier Hayot frappait de sa cravache à grandes volées.

L’autre, une minute oscillant, d’un élan se haussa jusqu’à lui.

Hubert, alors, se cramponna à la crinière de sa bête, qui, râlante, les naseaux déchirés, fit quelques pas, et tout à coup se mit à tourner, prise d’un tremblement qui lui abattait ses jambes sous elle.

Il vociférait :

— Canaille ! Lâche-moi, ou je…

Il n’acheva pas : un poing à déraciner un roc s’était abattu sur son menton qui pantela, fracassé, tandis qu’une voix sourde grondait :

— Tais ta gueule !

Cachaprès s’était accroché à ses reins et lui donnait des secousses furieuses, comme un bûcheron acharné à une souche et qui la fait osciller pour l’arracher de la terre. Puis, brusquement, se ramassant, il lui agrafa le cou de ses deux mains et l’entraîna sous le poids de son corps. Ils roulèrent dans la poussière.

De minute en minute les pouces du terrible vainqueur se rapprochaient, entrant un peu plus dans la chair, et Hubert se sentait étranglé sans hâte, avec une lenteur calme, la gorge déjà sibillante et les stupeurs de la mort dans l’œil. Alors, maté, il eut un aboiement rauque, qui suppliait ; et rappelé à lui par ce cri étouffé d’agonie, Cachaprès desserra ses doigts d’un geste machinal. Puis, les genoux sur son estomac, collant à ce visage crispé son grand visage douloureux, il examina l’homme comme il l’avait étranglé, d’un effort lent, continu, qui, petit à petit, débrouillait ses souvenirs.